Le 24 février 2021, l’Equality Law Clinic (ELC) de l’ULB et le Human Rights Centre (HRC) de l’Université de Gand ont soumis une tierce-intervention devant la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire M. c. France. Sont au centre de cette affaire les traitements médicaux « normalisateurs » subis par une personne intersexuée, à savoir une personne qui est née avec des caractéristiques sexuées ne correspondant pas entièrement à la définition (médicale) du sexe « mâle » et du sexe « femelle ». C’est en raison des « variations » de ses caractéristiques sexuées que la personne requérante a, dès son plus jeune âge et alors qu’elle était en bonne santé, subi des opérations chirurgicales « correctives » et traitements hormonaux visant à « féminiser » son corps jugé « anormal » par la communauté médicale. Il s’agissait de « normaliser » ses caractéristiques sexuées afin de les ancrer dans la binarité du sexe et du genre.
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Le 23 novembre 2020, le Human Rights Centre (HRC) de l'UGhent a soumis, en collaboration avec l’Equality Law Clinic (ELC) de l’ULB, une tierce-intervention devant la Cour européenne des droits de l'Homme dans l'affaire Y. c. France. Cette affaire traite du cas d'une personne intersexuée, à savoir une personne qui présente des variations de ses caractéristiques sexuées. Le sexe masculin lui a été assigné à la naissance et, à l’âge adulte, Y. a introduit une demande visant à modifier le sexe enregistré dans son acte de naissance afin de le remplacer par la mention "sexe neutre" ou, à défaut, "intersexe".
L’Equality Law Clinic a été mandatée par la Commission d’évaluation de la législation fédérale relative à la lutte contre les discriminations (en collaboration avec la Prof. Julie Ringelheim de l’UC-Louvain et le Prof. P. Wauthelet de l’Université de Liège) pour étudier la possibilité d’utiliser le droit des subventions et le droit des marchés publics comme outils de lutte contre les discriminations.
Ce travail a, dans un premier temps, été poursuivi, durant l’année académique 2019-2020, par trois étudiant·e·s de l’Equality Law Clinic,Charline Delval, Rémy Demoutiez et Pierre Walckiers. Il a, ensuite, donné lieu à la rédaction d’un rapport à destination de la Commission fédérale par Louise Fromont, en étroite collaboration avec les Professeures Emmanuelle Bribosia et Isabelle Rorive.
Le rapport évalue dans quelle mesure le cadre législatif et règlementaire au niveau fédéral belge en matière de subventions et de marchés publics permet, d’une part, d’assurer le respect du droit de la non-discrimination et, d’autre part, de promouvoir la diversité, l’égalité et la lutte contre les discriminations.
L'ELC a présenté ce rapport le 18 novembre 2020 devant des membres de la Commission d’évaluation des lois de non-discrimination. Le rapport est disponible ici et son résumé ici.
Avancer sur plusieurs questions éthiques serait au programme de la Vivaldi. Comme réfléchir à l’opportunité d’une troisième catégorie à côté du « masculin » et du « féminin ».
Interview d’Emmanuelle Bribosia et d’Isabelle Rorive pour le journal "Le soir" du mardi 10 novembre 2020.
https://plus.lesoir.be/336948/article/2020-11-09/faut-il-une-troisieme-case-sur-la-carte-didentite
En savoir plus : voir le rapport de l'Equality Law Clinic sur l'enregistrement du sexe à l'état civil et sur les documents d'identité
Le 19 juin 2019, la Cour constitutionnelle de Belgique a rendu un arrêt (n° 99/2019) particulièrement remarqué en annulant partiellement la loi du 25 juin 2017 réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’une modification de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets. Entrée en vigueur le 1er janvier 2018, cette loi facilite le changement de l’enregistrement du sexe sur les actes d’état civil de « F » vers « M » et inversement. Cette procédure est entièrement démédicalisée et n’est plus liée à une mise en conformité du corps qui supposait notamment, sous le régime juridique antérieur, une stérilisation, une hormonothérapie et la modification des organes génitaux externes.
La Cour constitutionnelle a notamment dénoncé une lacune dans la loi du 25 juin 2017 qui n’a rien prévu pour les personnes non binaires, c’est-à-dire celles qui ne s’identifient ni aux hommes, ni aux femmes, mais pour qui le genre est un spectrum qui ne peut se réduire à une norme binaire. Tout en soulignant qu’il appartient au législateur d’adapter la loi, la Cour constitutionnelle lui a soufflé deux possibilités, manifestement inspirées d’un arrêt que son homologue allemand avait rendu le 10 octobre 2017 dans un autre contexte, au sujet de la situation des personnes intersexes (1BvR 2019/16). Ainsi, elle a renvoyé la balle au législateur en ces termes : « Il y a (…) pour remédier à cette inconstitutionnalité, plusieurs possibilités, parmi lesquelles la création d’une ou de plusieurs catégories supplémentaires permettant de tenir compte, tant à la naissance qu’après, pour toutes les personnes, du sexe et de l’identité de genre, mais également la possibilité de supprimer l’enregistrement du sexe ou de l’identité de genre comme élément de l’état civil d’une personne » (para. B.7.3, notre accent).
L’Equality Law Clinic a été saisie par l’Institut pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes pour rédiger un rapport circonstancié afin d’évaluer, à la lumière du droit comparé et des exigences du respect des droits fondamentaux, les voies qui s’offrent au législateur fédéral. Ce rapport analyse ainsi les modalités non binaires d’enregistrement du sexe et/ou du genre dans des pays dont la culture constitutionnelle est suffisamment proche de celle de la Belgique pour apporter des enseignements pertinents. Les conclusions de ce rapport s’appliquent tant aux personnes dont l’identité de genre est non binaire qu’aux personnes intersexes. Ce rapport vient d’être publié sur le site de l’Institut pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes. Il a été traduit en néerlandais.
A l’égard des personnes intersexes qui sont les grandes oubliées de la réforme de 2017, l’Equality Law Clinic a également été auditionnée le 8 juin 2020 par la Commission Santé et Égalité des chances de la Chambre des Représentants (Doc. Parl., Chambre, session 2019-2020, n° 55-0974/000).
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